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Expérimentations urbaines

Étude de la configuration spatiale et institutionnelle de la ville globale expérimentale

Présentation du programme de recherche

Les classements internationaux des villes émergeant depuis les années 1990, mettent aujourd'hui en avant l'innovation technologique, technique et politique comme un facteur essentiel de la compétition interurbaine, au même titre que le tourisme, l'accueil de grands événements, la concentration de sièges sociaux, ou l'importance de la place financière.

Les villes globales et les grandes métropoles, rivalisent dès lors pour héberger les centres de recherche et de développement des grands groupes multinationaux en suivant le modèle californien, mais aussi ne promouvant des espaces d'expérimentations dans les villes, à travers la production d'instruments politiques variés. Il peut s'agir d'expérimentations dans le cadre de grands événements comme lors des Jeux Olympiques et Paralympiques, de transformation des espaces publics et de leur régulation (véhicules autonomes et ou partagés, publicité, éclairage, accessibilité, gestion des déchets, etc..), de contraintes lors de la construction (normes environnementales, intégration de technologies, gestion de l'énergie), ou encore par la constitution de quartiers entiers dédiés aux expérimentations.

Dans ce contexte, la ville est l'objet de multiples expérimentations, depuis sa conception, à sa gestion, ainsi que lors de ses nombreuses transformations. Ces expérimentations sont souvent proposées dans l'optique de promouvoir la transition écologique, afin de maîtriser les émissions de gaz à effet de serre et de rendre plus efficace l'utilisation des différentes sources d'énergie. La ville expérimentale contemporaine est ainsi directement liée à la notion de développement durable, à l'apaisement des villes et à la promotion d'un meilleur cadre de vie pour leurs habitants.

Ainsi, les pouvoirs publics cherchent à instaurer dans leur ville un cadre expérimental pouvant servir de modèle, dans la continuité de ce qu'était San Francisco à partir de 1990, et ou Singapour depuis 2010. L'objectif est de faire ces villes des laboratoires urbains, à l'échelle d'un quartier ou de la ville dans son ensemble, dans le but de promouvoir une forme de développement économique et urbain fondé sur des solutions à des problèmes locaux qu'il serait ensuite possible d'exporter. En aidant des expérimentateurs à s'implanter localement, les autorités publiques visent à donner un image positive d'une ville innovante, accueillante, progressiste. Pour cela, les acteurs urbains doivent agir à la fois sur la gouvernance et sur l'organisation spatiale de la ville. C'est la constitution d'une configuration institutionnelle et spatiale favorable à l'expérimentation que ce programme de recherche étudie.

Ce projet de recherche de la Fondation France-Japon de l'EHESS s'intègre plus largement dans l'étude des stratégies urbaines des villes globales. Il s'agit de mettre en place une comparaison des différentes formes d'expérimentations urbaines afin de mieux comprendre comment les politiques publiques adaptent leur réglementation de l'urbanisme pour permettre à des expérimentateurs privés ou publics d'utiliser la ville comme laboratoire urbain, que ce soit dans l'utilisation des espaces publics, ou dans la conception de la ville, la construction des bâtiments et des infrastructures, et enfin à travers leur interaction avec les habitants.

Animation et diffusion de la recherche

Cette recherche est animée par Alexandre Faure, post-doctorant à la Fondation France-Japon de l'EHESS. Ce projet s'appuie sur une collaboration entre la FFJ et l'Ecole des Mines ParisTech, notamment avec le Professeur Brice Laurent et le Docteur Mathieu Baudrin.

Argumentaire et objectif scientifique

Depuis les années 1990, les villes sont considérées par de nombreux chercheurs comme des lieux fondamentaux pour promouvoir le développement durable (Bulkeley et al. 2011 ; Frantzeskaki et al. 2017 ; Hodson et al. 2017 ; Loorbach & Shiroyama 2016 ; Moore et al. 2018). Une partie des acteurs publics et privés urbains (autorités publiques locales, régionales et nationales, entreprises, associations, ONG...) mettent en avant le développement d'innovations technologiques, techniques et politiques (Laurent, 2019), dont le but est de diminuer l'empreinte environnementale des activités urbaines (Fuenfschilling et al. 2018), faisant de ces villes un laboratoire pouvant potentiellement être un moteur de la transition écologique (Kargon et al. 2008 ; Karvonen et al. 2014).

Dans certains cas, les acteurs publics et privés peuvent créer des villes expérimentales (Evans et al., 2016) ou un urbanisme expérimental (Halpern et al., 2013). Dans ce cadre, la ville est à la fois un lieu d'expérimentation et un objet d'expérimentation. L'expérimentateur teste aussi bien la ville elle-même, le comportement de ses habitants et de ses visiteurs, ainsi que la complexité induite par la densité des relations et des flux (Halpern et al. 2013 ; Evans et al. 2016 ; Laurent et Tironi 2015 ; Tironi et Sanchez Criado 2015).

L'expérimentation urbaine, qu'elle soit réalisé dans un espace public préexistants ou dans une ville expérimentale, soulève de nombreuses questions : qui expérimente ? Qui est expérimenté / ou qu'est-ce qui est expérimenté ? Quelle est la méthode utilisée ? Quel est le périmètre de l'expérimentation ? Quand et dans quel contexte l'expérimentation est-elle décidée et réalisée ? Enfin, quels sont les résultats et les conséquences pour l'expérimentateur et pour l'objet de l'expérimentation urbaine ? (Laurent, 2019 ; Wisnowski, 2019).

La réponse à ces différentes question permet de connaitre les configurations institutionnelles et spatiales favorables aux expérimentations, sans pour autant imaginer qu'une seule configuration convienne à tous les types d'expérimentations. En effet, chaque configuration induit des objets, des acteurs et des relations singulières en fonction du contexte national et local dans lequel elle se déploie.

Cette recherche ne vise donc pas à déduire de la comparaison des différentes configurations un idéal-type reproductible et transférable, mais plutôt d'étudier la diversité des villes expérimentales et de leur dynamique. Cette diversité rend compte de l'adaptation des acteurs de l'expérimentation aux contextes sociaux, économiques, politiques, culturels, géographiques, etc., mais aussi des partages d'expérience entre les différents territoires expérimentaux.