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Jeux olympiques et villes globales

(depuis 2018)


La Fondation France-Japon de l'EHESS a lancé en 2018 un projet de recherche pour étudier le lien entre les villes globales et les Jeux Olympiques. Après Londres en 2012, Tokyo, Paris et Los Angeles accueilleront à leur tour les Jeux, formant un cercle restreint de villes globales ayant été élues trois fois chacune par le Comité International Olympique. En étudiant les projets urbains olympiques de ces villes, mais aussi des candidatures échouées des villes globales depuis 2000 (Paris 2008 et 2012, New York 2012, Tokyo 2016), un cadre commun se dégage, mettant en valeur le patrimoine et les installations déjà existantes, ainsi que des politiques de rénovation et de régénération urbaine dans des quartiers à la périphérie immédiate du cœur de ces agglomérations.

L'objectif de ce projet est de comparer les projets urbains olympiques de ces villes globales, en les mettant en perspectives avec les stratégies de acteurs nationaux, régionaux, métropolitains et locaux de ces villes. Cette approche permettra notamment et comprendre les orientations communes de ces villes globales et de participer à la mise à jour de cette notion trente ans après sa définition par Saskia Sassen.

Carnet de recherche Webinaire 2020-2021


 
     
   

Argumentaire scientifique

Les critique concernant le format moderne des Jeux Olympiques et Paralympiques basés sur des villes hôtes différentes tous les 4 ans, devant disposer de toutes les infrastructures et de tous les équipements pour l'événement, n'est pas seulement une question d'opinion publique et d'agenda politique. Dans le milieu universitaire, depuis plusieurs décennies, de nombreuses recherches ont été menées sur l'héritage urbain des Jeux (Andanovich et al. 2011 ; Chappelet, 2012 ; Homma et al. 2013). Les premiers travaux dans ce domaines ont concerné l'héritage urbain et architectural, à partir d'une approche esthétique et patrimoniale. Plus récemment, un nombre significatif d'études réalisées critiquent l'impact des Jeux sur la ville, l'environnement, les finances publiques et l'économie locale et régionale. Ces études ont tenté de trouver un cadre analytique pour évaluer l'héritage urbain des Jeux, en comparant le discours politique exprimé pendant la candidature, avec les développements réalisés, et la capacité des acteurs locaux à maintenir ces infrastructures sur le long terme (Disckson et al. 2011 ; Preuss, 2015 ; Girginov, 2018). Il s'agissait alors d'étudier les conséquences des Jeux sur les territoires hôtes.

La notion d'héritage est devenue un élément de plus en plus important du dossier de candidature, tant pour les organisateurs que pour le CIO. Cette importance accrue accordée à l'héritage est le résultat direct des critiques formulées à l'égard du gigantisme des Jeux (MacAloon, 2008). Ce patrimoine urbain olympique est aussi critiqué pour son impact environnemental. Depuis les années 2000, le CIO et les comités de candidature tentent d'appliquer des objectifs de développement durable. Cependant, ces objectifs n'ont pas été atteints et leur définition reste extrêmement ambiguë quels que soient les villes et les pays candidats (Leopkey, 2009 et 2012 ; Shalini, 2013 ; Gold 2015). En économie également, de nombreux chercheurs ont tenté de mesurer la croissance générée, sans parvenir à un consensus (Hiller, 2000 ; Flyvbjerg, 2018 ; Surborg et. al., 2008 ; Kassens-Noor, 2012 ; Benneworth, 2010 ; Smith, 2012 ; Spirou, 2013 ; van Wynsberghe et. al., 2013 ; Viehoff, 2015 ; Gouguet et. al., 2017). En revanche, les chercheurs ont pu démontrer l'impact négatif des Jeux sur l'économie locale et sur les projets de développement urbain du fait de l'utilisation de ressources politiques et fiscales pour construire des infrastructures olympiques à la place d'autres projets (Lenskyj, 2000 et 2002 ; Baade et Mathson, 2002 ; Chalip's, 2006 ; Preuss, 2007 ; Watt, 2013).

Cette littérature scientifique montre l'importance accordée par le mouvement olympique à la création d'un héritage tangible dans les domaines de l'urbanisme, de l'économie et, aujourd'hui, de l'environnement. Mais elle montre aussi combien il est difficile pour la communauté scientifique de s'accorder sur les résultats : les Jeux donnent aux décideurs publics la possibilité de modifier la forme de la ville et de ses installations, mais rien ne prouve que les Jeux modifient l'économie ou génèrent de la croissance. Les recherches se sont concentrées sur les comparaisons entre les villes hôtes, que ce soit pour comparer les projets urbains, la gouvernance des comités de candidature et d'organisation, ou pour étudier les modèles économiques utilisés pour justifier l'accueil des Jeux. Ces comparaisons sont rendues difficiles par l'évolution des contextes internationaux au moment des différentes candidatures, par les différences fondamentales entre les villes et les pays hôtes, ainsi que par l'hétérogénéité des données disponibles et le statut des acteurs qui peuvent être interrogés.

Au cours de la dernière décennie, des chercheurs nord-américains ont étudié l'héritage des appels d'offres échoués et réussis sur les villes (Kassens-Noor, 2012 ; Lauermann, 2016a). Ces candidatures viennent souvent en grappe, c'est-à-dire que la même ville et le même pays sont candidats à plusieurs méga-événements dans un court laps de temps. Elles peuvent également être répétées successivement, comme c'est le cas pour Tokyo (2016, 2020) ou Paris (2008, 2012). Ces chercheurs ont montré que les candidatures échouées ont eu une influence plus ou moins importante, selon le contexte, sur la planification urbaine et sur la mise en œuvre de stratégies urbaines à long terme. La candidature aux Jeux nécessite une réflexion sur le choix des sites de compétition, l'aménagement d'un village et d'un centre de médias, la construction d'équipements et d'infrastructures supplémentaires, temporaires ou permanents. Ce processus conduit à la création de coalitions d'acteurs et de coalitions de croissance qui peuvent produire un consensus autour des objectifs de développement urbain entre les acteurs publics locaux, régionaux et nationaux et les acteurs privés (Lauermann, 2014 ; Salisbury et al., 2017). Ces recherches sont souvent des études monographiques (Kassens-Noor, 2019).

Objectif scientifique

L'objectif scientifique de ce programme de recherche est de questionner le récent regain d'intérêt des villes globales pour les Jeux Olympiques, en étudiant leur candidature pour savoir s'il existe ou non un modèle qui leur soit spécifique. Depuis 2000, Paris, Londres, New York, Tokyo et Los Angeles ont produit de nombreuses candidatures, avec comme objectif d'organiser des Jeux dont les projets urbains oylmpiques répondraient aux critiques envers les précédentes éditions, par un concept géographique compact et par une relative limitation des dépenses. Ce regain d'intérêt des villes globales et notamment de celles ayant déjà accueilli les Jeux auparavant, pose un certain nombre de questions :

  • Existe t-il un modèle de candidature spécifique aux villes globales ? Plus exactement, existe t-il un projet urbain olympique singulier à ces villes ?
  • Comment ces candidatures répondent aux critiques contre le gigantisme et le cout des Jeux en s'appuyant notamment sur leurs atouts (réseau de transports, équipements existants, gouvernance, image, etc..)
  • Les Jeux sont-ils un instrument de la stratégie à long terme de ces villes, ou bien modifient-ils les orientations prises par les autorités publiques locales et régionales concernant le développement urbain ?

Cette recherche s'inscrit dans la continuité des études urbaines sur le domaine olympique. Il s'agit d'étudier aussi bien les candidatures réussies et échouées des villes globales, que de comparer les projets urbains olympiques aux stratégies à long terme des pouvoirs publics.